Le Datura Stramoine, une plante méconnue aux enjeux de santé publique

Date de publication
28/05/2025

Chez AgriLife Studio, nous explorons en continu des sujets de terrain aux multiples enjeux.

Cette série d’articles a pour objectif de partager nos recherches, nos réflexions et parfois nos doutes, pour montrer concrètement comment nous avançons, en équipe et sur le terrain.

Ici, pas de certitudes toutes faites, mais des éléments de compréhension, des questions ouvertes et une envie sincère de progresser collectivement.

🔎 Premier focus : le Datura stramoine, une plante méconnue aux enjeux de santé publique


Encore peu connue du grand public mais déjà redoutée sur le terrain, la datura fragilise plusieurs filières agricoles en France. Plante toxique, résistante et difficile à éradiquer, elle soulève des enjeux sanitaires, économiques et agronomiques encore largement sous-estimés.

Chez AgriLife Studio, on aime partir des champs de sarrasin, des rangs de haricots ou du pied des cannes de maïs pour explorer les grands enjeux agricoles de demain. Et ça tombe bien, car c’est exactement là que l’on peut croiser le datura stramoine, ou “herbe du diable” : une plante toxique, envahissante, et de plus en plus présente dans nos cultures. Pourtant, son impact reste peu connu, même chez les professionnels. Pourquoi ? Et que faire face à cette menace qui s’installe progressivement ?

Une plante qui inquiète… mais qu’on connaît mal

Le datura, c’est d’abord une plante très toxique, dont toutes les parties – feuilles, graines, fleurs – contiennent des alcaloïdes puissants comme l’atropine, la scopolamine et l’hyoscyamine. Même à très faible dose (1/25e de graine), ces substances peuvent provoquer hallucinations, confusion, voire coma.

Mais ce n’est pas tout : la gestion agronomique de cette plante est un véritable casse-tête.

  • La datura peut produire jusqu’à 4 000 graines, chacune capable de redonner une plante
  • Ces graines conservent leur capacité germinative jusqu’à 40 ans. Les désherbages mécaniques seuls sont donc souvent inefficaces, les labours successifs remontant les graines à la surface.
  • Sa décroissance est très lente, ce qui en fait une plante particulièrement envahissante.

Face à ces contraintes, ce sont toutes les agricultures qui se retrouvent exposées. 

L’agriculture conventionnelle, dépendantes des désherbants chimiques, voit ses leviers de lutte contre le datura se réduire au fil des interdictions successives de substances actives. Du côté de la bio, les leviers d’actions “classiques” de la lutte contre les adventices (désherbage mécanique, biocontrôle) sont insuffisants ou inefficaces. “Un fléau pour l’agriculture biologique” nous partage un agriculteur en Grande Culture bio en Moselle.

Malgré ces risques et ces contraintes agronomiques, les données sur cette adventice restent rares et fragmentaires. Les recherches sont souvent initiées après des épisodes d’intoxication. Récemment en Bretagne, 49 personnes ont été intoxiquées après avoir consommé des produits à base de sarrasin contaminé.

Une plante qui inquiète… mais qu’on connaît mal

Le datura, c’est d’abord une plante très toxique, dont toutes les parties – feuilles, graines, fleurs – contiennent des alcaloïdes puissants comme l’atropine, la scopolamine et l’hyoscyamine. Même à très faible dose (1/25e de graine), ces substances peuvent provoquer hallucinations, confusion, voire coma.

Mais ce n’est pas tout : la gestion agronomique de cette plante est un véritable casse-tête.

  • La datura peut produire jusqu’à 4 000 graines, chacune capable de redonner une plante
  • Ces graines conservent leur capacité germinative jusqu’à 40 ans. Les désherbages mécaniques seuls sont donc souvent inefficaces, les labours successifs remontant les graines à la surface.
  • Sa décroissance est très lente, ce qui en fait une plante particulièrement envahissante.

Face à ces contraintes, ce sont toutes les agricultures qui se retrouvent exposées. 

L’agriculture conventionnelle, dépendantes des désherbants chimiques, voit ses leviers de lutte contre le datura se réduire au fil des interdictions successives de substances actives. Du côté de la bio, les leviers d’actions “classiques” de la lutte contre les adventices (désherbage mécanique, biocontrôle) sont insuffisants ou inefficaces. “Un fléau pour l’agriculture biologique” nous partage un agriculteur en Grande Culture bio en Moselle.

Malgré ces risques et ces contraintes agronomiques, les données sur cette adventice restent rares et fragmentaires. Les recherches sont souvent initiées après des épisodes d’intoxication. Récemment en Bretagne, 49 personnes ont été intoxiquées après avoir consommé des produits à base de sarrasin contaminé.

Un vrai enjeu de santé publique ?

La question se pose de plus en plus sérieusement. Il suffit d’une seule graine par kilo — soit une graine sur 30 000 dans le cas du sarrasin — pour dépasser les seuils réglementaires européens en alcaloïdes tropaniques. Et même dans le cas où l’efficacité du tri permettrait de retirer à coup sur les graines de datura des lots de graines, le jus des tiges ou le contact suffit à contaminer le lot.

Historiquement cantonnée au sud, la datura s’étend dans toute la France. Lors de nos investigations terrain, nous avons été frappés par le nombre d’agriculteurs, notamment en Normandie et en Centre-Val de Loire, ayant déjà été confrontés à sa présence dans leurs parcelles. Et avec le changement climatique, la réduction du nombre de molécules autorisées et l’uniformisation des pratiques et des calendriers agricoles, la pression du datura et son expansion géographique devraient aller en s’accentuant. 

Carte: Zones relevant une problématique datura dans le maïs (nombre de réponses à l’enquête réalisée en 2020)

Source: La bretagne n’est pas indemne de Datura, Benjamin COLLIN, Elodie QUEMENER (ARVALIS), 15 juin 2023

Dans la lutte en cours contre le datura stramoine, tous les maillons de la chaîne agroalimentaire sont touchés : producteurs, coopératives, transformateurs, distributeurs. Les contaminations sont difficiles à retracer, posant la question de la traçabilité des denrées agricoles, les rappels de lots sont coûteux et la confiance des consommateurs peut vite être ébranlée.

Un enjeu international

Et si ce sujet intéresse tellement Agrilife Studio, c’est parce qu’il a une portée internationale. Datura stramonium est classée comme espèce envahissante par l’EPA aux États-Unis et identifiée comme “adventice problématique” en Espagne, Allemagne et France. Récemment, son expansion rapide en Chine a été documentée. En Afrique de l’Est, des rapports mentionnent sa présence accrue dans les zones pastorales, où elle contribue à la dégradation des pâturages. En Australie, un rapport de Food Standards Australia New Zealand a lié Datura stramonium à une contamination de lots d’épinards ayant causé des intoxications alimentaires, poussant les autorités à renforcer les contrôles sur les cultures de légumes à feuilles.

Des solutions… mais encore beaucoup de zones grises

Chez AgriLife Studio, nous avons croisé données scientifiques, retours terrain et témoignages d’agriculteurs pour évaluer les solutions concrètes contre le datura.

Certaines pratiques systémiques peuvent limiter sa propagation :

  • Le nettoyage des machines agricoles, notamment chez les prestataires de travaux agricoles qui sont des vecteurs de dissémination des daturas. “On en voit de plus en plus en prestations extérieures. Je demande à laver mes machines sur place pour ne pas en rapporter sur mon exploitation” nous explique un agriculteur en Grande Culture dans l’Eure.
  • Le désherbage mécanique précoce, avant la montée à graine (attention toutefois car cela peut aussi stimuler des relevées…).
  • L’allongement des rotations, avec l’introduction de cultures d’hiver, qui cassent le cycle du datura (qui est une adventice annuelle estivale à germination tardive). 

On vous invite à consulter la documentation de la chambre d’agriculture du Rhône pour plus de précisions sur les leviers de lutte contre le datura.

Mais surtout, des outils technologiques émergent :

  • La télédétection par drone, combinée au machine learning, permet d’identifier précisément les daturas dans les champs. En France, l’arrachage se fait ensuite manuellement. Mais dans d’autres pays, avec des réglementations plus souples sur l’utilisation agricole des drones comme l’Espagne, la pulvérisation ciblée permet de détruire le datura. (sur ce sujet on vous renvoie à l’excellente vidéo de Loagri, 😱 11 000 HA traités par cet ÉNORME DRONE : je DÉCOUVRE la GUERRE au DATURA 🌱 + XÉRION 5000 BLACK⚫)
  • Des pistes de biocontrôle sont étudiées.
  • Et pourquoi pas demain des solutions qui rendent les daturas stériles pour diminuer les stocks de graines viables
  • Des nouveaux engins agricoles capables d’enjamber des cultures développées 

Ainsi, les solutions actuellement disponibles pour lutter contre le datura, notamment celles compatibles avec l’agriculture biologique, restent encore peu développées et coûteuses. Résultat : elles sont hors de portée pour de nombreux agriculteurs. Une situation d’autant plus préoccupante que le datura gagne du terrain à grande vitesse, s’étendant bien au-delà de ses zones d’origine et menaçant un nombre croissant d’exploitations à travers le monde. Face à cette progression rapide, il devient plus que jamais urgent de mettre au point des alternatives durables, capables à la fois de soutenir les agriculteurs et les filières déjà confrontés à ce fléau et de prévenir son expansion.

Alors, que fait-on ?

Comme souvent en agriculture, pas de solution miracle : il faut se retrousser les manches et avancer ensemble. Alors avec l’équipe, on teste, on ajuste, et surtout, on se pose les bonnes questions, collectivement, pour faire émerger des solutions solides et durables, co-construites avec des porteurs de projet. (Agrilifestudio sur WTTJ)

Vous travaillez sur ce sujet ? Vous avez mis en place (ou observé) des solutions concrètes contre le datura ?
Vous êtes agriculteur, technicien, chercheur, porteur de projet, ou simplement curieux avec une idée ou un contact pertinent à partager …

👉 Écrivez-nous via le formulaire de contact sur notre site (Accueil – Agrilife Studio).
Chez AgriLife Studio, on croit à l’intelligence collective et à la force du terrain. On serait ravis d’échanger avec vous, d’en apprendre plus sur vos pratiques ou de creuser ensemble des pistes d’action.

SOURCES
Au moins 49 personnes intoxiquées par la farine contaminée au datura, La France Agricole
2 Influence of elements of climate change on the growth and fecundity of Datura stramonium-PubMed
3 Kenya: noxious weed killing Maasai livestock, as others stand by – The Africa Report.com

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